Bulletin célinien, n°412
Sommaire :
Pierre Laval vu par Céline
Un guide du Paris “réac et facho”
Sillonner les transports céliniens à la recherche du style
Voyage à nouveau sur les planches
Céline au bout de la nuit africaine
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Bulletin célinien, n°412
Sommaire :
Pierre Laval vu par Céline
Un guide du Paris “réac et facho”
Sillonner les transports céliniens à la recherche du style
Voyage à nouveau sur les planches
Céline au bout de la nuit africaine
par Marc Laudelout
Contre Céline tout est désormais permis. Dans un fort volume d’un millier de pages, on peut, sans susciter guère de contestations, le faire passer pour un vil délateur et un actif agent de l’Allemagne alors même qu’on n’apporte aucune preuve tangible. Tout ou presque n’y est que suppositions gratuites, insinuations malveillantes, déductions fallacieuses et hypothèses bancales. Le piège est redoutable car réfuter ces calomnies vous fait ipso facto passer pour un personnage suspect. Céline, il est vrai, n’est pas un écrivain facile à défendre tant il s’est mis lui-même dans un mauvais cas. Il ne s’agit d’ailleurs pas de le défendre (son procès se tint il y a plus d’un demi-siècle) mais d’établir les faits, uniquement les faits. On aurait envie de répondre à ses détracteurs que ce n’est pas la peine d’en rajouter même si l’envie démange certains de le mettre indéfiniment en accusation. Ils n’ont de cesse de faire encore et toujours son procès. L’année du cinquantenaire de sa mort, la chaîne franco-allemande Arte, puis la Télévision suisse romande, ont précisément diffusé un documentaire refaisant Le Procès de Céline, où intervenait déjà le tandem Taguieff-Duraffour. Aujourd’hui, la revue L’Histoire publie un dossier sur le même sujet ¹ et, au début de ce mois, le tribunal de la FFDE (Fédération Française de Débat et d’Éloquence) organise au Palais de Justice de Paris un nouveau “procès Céline” !C’est dire si le livre de David Alliot et Éric Mazet vient à point nommé pour remettre les pendules à l’heure. Le lecteur y verra que ni le docteur Joseph Hogarth (Bezons) ni le docteur Herminée Howyan (Clichy) ne furent victimes des propos de leur confrère Destouches. Et, comme l’a admis l’Association des Amis de Robert Desnos, Céline n’est strictement pour rien dans le sort tragique du poète. Les auteurs démontent aussi l’assertion venimeuse selon laquelle Helmut Knochen aurait désigné Céline comme agent du SD. C’est de la même farine que la mention de son nom sur une note d’Otto Abetz le pressentant pour diriger le Commissariat général aux questions juives. Le premier biographe de Céline évoquait déjà un « document sans aucune valeur de preuve » (Gibault III, p. 257). Tout le problème réside là, en effet : n’ayant ni l’un ni l’autre de formation historique, Taguieff et Duraffour ne procèdent à aucune critique interne et externe des documents qu’ils exhument. À partir de là, c’est la porte ouverte à toutes les allégations, surtout si elles vont dans leur sens.Le plus grotesque dans la démarche de Taguieff est sans doute ailleurs : dénier à Céline toute réelle valeur littéraire. « Son pavé est conçu comme une entreprise de démolition de l’écrivain. L’intention est bien d’écarter de Céline tout lecteur, tout directeur de thèse, tout acteur, comme autrefois les catholiques jetaient l’opprobre sur Voltaire, les républicains sur Chateaubriand, les féministes sur Sade et les sacristains sur Baudelaire. »
Gageons que la grande presse ne parlera guère de cet opuscule incisif et pugnace. Ce serait mettre en question les articles convenus qui rendirent compte du bouquin de Taguieff. Les céliniens, eux, savent ce qu’il leur reste à faire : lire et faire connaître autour d’eux cet ouvrage qui y répond de si magistrale façon.
• David ALLIOT & Éric MAZET, Avez-vous lu Céline ?, Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 128 p. Diffusé par le BC (20 €, port inclus).
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Bulletin célinien n°411
octobre 2018
Sommaire :
- Céline en Italie:
Rencontre avec Valeria Ferretti
- Une « dénonciation oubliée »
- Actualité célinienne
- « Céline & Céline » de Michel Ruffin.
par Marc Laudelout
Jean-Luc Barré, qui dirige depuis une dizaine d’années la collection « Bouquins » chez Robert Laffont, accomplit une partie de la mission que n’assure plus Antoine Gallimard pour la « Bibliothèque de la Pléiade ». Celle-ci se targue d’être « un héritage augmenté des chefs-d’œuvre de notre temps ». Pour des raisons de toute évidence idéologiques, la maison Gallimard refuse une part de cet héritage. Ni Barrès, ni Bainville, ni Maurras n’y ont droit de cité. Tous trois réédités, en revanche, dans la collection « Bouquins ». On peut naturellement penser ce que l’on veut du maître de Martigues mais nier qu’il ait exercé, pendant près d’un demi-siècle, un magistère intellectuel sur ses contemporains serait grotesque. Dans un fort volume de plus d’un millier de pages, les éditions Robert Laffont rééditent donc ses grands textes, de L’Avenir de l’intelligence à Kiel et Tanger sans oublier ceux sur l’esthétique ainsi que sa poésie dont de superbes textes érotiques inédits.
Il est sans doute inutile de rappeler ici à quel point les tropismes céliniens diffèrent des tropismes maurrassiens. Attiré par la Méditerranée et l’Antiquité gréco-latine, Maurras eut une inclination pour le fascisme italien tout en vitupérant contre l’Allemagne dont il fut, tout au long de sa vie, un farouche adversaire. Alors même que Céline considérait cette germanophobie contre nature et porteuse de nouveaux périls. Dans un article paru en 1942, « La France de M. Maurras », son ami Lucien Combelle stigmatisait, lui aussi, cette germanophobie. Ce qui lui attira un commentaire acerbe de Céline lui reprochant de passer à côté de ce qui était pour lui l’essentiel : l’antiracisme de Maurras déjà tancé quatre ans auparavant dans L’École des cadavres. À la suite d’Urbain Gohier, Céline soupçonnait même des origines sémites au leader de l’Action Française.
À ce propos, signalons que l’unique livre consacré à Combelle vient d’être réédité dans cette même collection « Bouquins » avec d’autres livres de Pierre Assouline sur la période de l’Occupation : ses romans (La cliente, Lutetia, Sigmaringen), sa biographie de Jean Jardin et son essai sur l’épuration des intellectuels. C’est dire si cette période fascine depuis toujours Assouline qui s’en explique dans une préface inédite, « Apologie de la zone grise ». Il y évoque avec nuance sa relation à cette histoire complexe. Laquelle n’était pas faite que de héros et de salauds. Comment d’ailleurs qualifier un jeune Français d’une vingtaine d’années acceptant de risquer sa vie sur le front de l’Est pour des idées qu’il croit justes ? Le juif sépharade qu’est Assouline fut l’ami de Combelle qui, non seulement crut au fascisme, mais en fut un ardent militant jusqu’en juillet 1944. Cette amitié l’honore, cela va sans dire, mais ce qui le distingue encore davantage de la plupart de ses confrères, c’est le refus de tout manichéisme. Et le goût de comprendre avant de juger.
La correspondance de Céline à Combelle a été éditée par Éric Mazet dans L’Année Céline 1995 (Du Lérot, 1996, pp. 68-156). Signalons aussi l’émission télévisée de Bernard Pivot sur « Les intellectuels et la Collaboration » (Apostrophes, 1er décembre 1978) à laquelle Combelle participa [https://www.youtube.com/watch?v=IcgWGFwt7nQ] et la série d’entretiens que Pierre Assouline eut avec lui (À voix nue, France Culture, 25-29 juillet 1988) [https://www.youtube.com/watch?v=D6rWO3pEPdc].
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Par Yann P. Caspar
Ex: https://visegradpost.com
« Voici la terrible histoire de Philippe Ignace Semmelweis ». C’est ainsi que le Docteur Destouches amorce la préface de 1936 à la première édition commerciale de sa Thèse de Médecine, soutenue douze ans plus tôt à Paris, et ayant pour sujet la vie et l’oeuvre du plus célèbre médecin hongrois. Alors qu’on omet aisément de rappeler qu’avant de s’illustrer par une production littéraire hors du commun, Céline est avant tout un médecin sincèrement convaincu de sa vocation, cette thèse peut se lire comme l’étincelle qui allumera la flamme du style célinien et une lumineuse évocation du destin maudit des deux hommes.
D’une patte narguant continuellement les standards de la rédaction scientifique, Céline raconte le toujours plus insoutenable agacement de ce jeune obstétricien hongrois découvreur de l’asepsie face à la crasse et jalouse ignorance de ses confrères viennois. Peignant un monde médical majoritairement composé d’esprits invariablement tièdes, étroits et mesquins, Céline fait de Semmelweis l’archétype du génie s’acharnant passionnément à vouloir imposer ce qu’il pense être juste et vrai, sans bien sûr s’encombrer inutilement du moindre tact mondain. Quiconque sait le parcours de Céline pourra ainsi voir dans ce texte de 1924 une étonnante et splendide prophétie auto-réalisatrice rédigée par le futur prostré de Meudon, où vivant chichement ses dernières années de pestiféré avec sa femme Lucette, coupé du monde et clochardesque devant ses rares visiteurs, il écrira coup sur coup trois chefs d’oeuvre absolus : D’un château l’autre, Nord et Rigodon.
Quel est donc le génie d’un Semmelweis ? Exerçant dans une clinique où la fièvre puerpérale ravage les femmes en couche, surtout lorsque celles-ci sont tripotées par des étudiants ayant plus tôt effectué des dissections, Semmelweis comprend que cette mortalité massive est directement liée à la propagation de miasmes cadavériques dans les organes génitaux féminins. Déjà persuadé que la cause de ces décès se trouve au sein de la clinique même, son déclic survient le jour où son ami Kolletschka, souffrant d’une blessure au scalpel contractée lors d’une dissection, meurt des suites de symptômes similaires à ceux de la fièvre puerpérale.
Commentant cette révélation, Céline se plaît à souligner qu’elle intervient au retour du jeune Hongrois d’un voyage de plusieurs mois à Venise. Profondément ému par la beauté de cette ville, Semmelweis aurait tout naturellement flairé l’évidence : la pourriture cadavérique est à l’origine de la fièvre puerpérale. Ébloui par le génie de Philippe, Louis préfigure alors le sien : « La Musique, la Beauté sont en nous et nulle part ailleurs dans le monde insensible qui nous entoure. Les grandes œuvres sont celles qui réveillent notre génie, les grands hommes sont ceux qui lui donnent une forme »1.
Les accoucheurs se lavent les mains et la mortalité se met à dégringoler. Aux quatre coins de l’Europe, les médecins, tout réputés qu’ils soient, se mobilisent contre ce ridicule et vaniteux Hongrois, et entendent bien mettre un terme à cette folie hygiéniste. Semmelweis est mis à l’index, on l’humilie et l’invite prestement à rejoindre Budapest. Il arrive dans une capitale hongroise en pleine effervescence, peu de temps après le déclenchement des événements de 1848. Ce trentenaire banni de médecine s’éprend de politique avant de plonger dans une sérieuse dépression suite à la défaite des révolutionnaires. Bien que Céline n’ait jamais montré de tropisme centre-européen — et a fortiori une passion pour la Hongrie —, il met brillamment le doigt sur un caractère national hongrois : la propension magyare à savourer trop rapidement une victoire avant de se laisser happer par un état de mélancolie aggravé ; en somme, la Hongrie : une nation dont l’histoire n’est qu’une succession de sauteries sans lendemain.
L’histoire de Philippe Ignace Semmelweis, c’est celle de Louis-Ferdinand Céline. C’est celle de deux tarés se sentant dès leur adolescence investis d’une mission contre la bassesse et la lourdeur de notre monde. Reniés, exclus, ils crient, vocifèrent ; ils délirent. Ils savent que le talent est monnaie courante, alors que le génie est rare. Le talent procède de la matière grise, il est froid. Ils montrent qu’il n’y a guère que la chaleur des émotions et des tripes pour transformer le talent en génie. Imposer son génie à la société est possible en maîtrisant les codes des relations humaines — qualité que possédait assurément Louis Pasteur pour théoriser et faire reconnaître ce que le furieux Semmelweis avait senti avant lui.
1 Louis-Ferdinand Céline, Semmelweis, Collection L’Imaginaire, Gallimard, 1999, Paris, p. 67
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Bulletin célinien n°405
Sommaire :
- Lucette, entre toutes les femmes
– Céline et le Comité de Prévoyance et d’Action sociale
– Misère de la condition humaine chez Céline
– Galtier-Boissière
– Céline à Leningrad
Faut-il que la gloire posthume de Céline insupporte certains ! Dans un roman aussi pesant que touffu, Maxime Benoît-Jeannin raconte les liens professionnels et privés qui unirent, sous l’Occupation, deux personnalités aussi affirmées que Dominique Rolin et Jeanne Loviton à Robert Denoël. Céline, son auteur fétiche, apparaît à plusieurs reprises. Paranoïaque, veule et bien entendu partisan de l’extermination de la race élue ¹, c’est ainsi que ce romancier le dépeint sans nuance. En revanche, il a pour Sartre les yeux de Chimène, se gardant bien de rappeler que celui-ci se compromit avec un autre totalitarisme ². Et de dénoncer dans l’épilogue « un Sartre bashing frénétique qui touche tous les milieux » ainsi que « cette haine pathologique pour le philosophe français le plus important depuis Descartes [sic] ». Pour en arriver à déplorer que « du coup, la commémoration du centenaire de sa naissance se fit a minima. » La phrase qui suit est édifiante à souhait : « Parallèlement, la gloire de Céline monte encore en puissance, son lectorat ne cesse de grandir. » …Voilà qui est assurément insupportable.
Quant à ce roman, gageons qu’il découragera plus d’un lecteur s’intéressant à cette période. Tant de personnages défilent qu’on ne parvient à s’attacher à aucun d’entre eux. On a en outre l’impression que l’auteur a voulu y fourguer toute sa documentation. Elle est d’autant plus vaste qu’il l’a largement puisée sur un site internet en libre accès: celui qu’Henri Thyssens consacre depuis 2005 à Robert Denoël. Mais on est loin de l’élégance d’un Pierre Assouline qui, à la fin de son roman Sigmaringen, tint à citer ses sources. Le travail de Thyssens est ici sommairement mentionné au détour d’une page alors que, sans les recherches qu’il a accumulées pendant vingt ans, ce roman n’existerait tout simplement pas. Quant au chercheur il est qualifié d’« admirateur de Louis-Ferdinand Céline », ce qui, dans l’esprit de l’auteur, doit être un tantinet suspect.
Dans la presse Benoît-Jeannin se défend d’être manichéen mais le lecteur constate qu’il n’a que profond mépris pour tous les écrivains qui se sont engagés dans la voie de la Collaboration. C’est dire si l’on s’écarte du jugement d’un Malraux qui considérait Drieu comme « l’un des êtres les plus nobles qu’[il ait] rencontrés ». Ici, tous ceux qui étaient dans le mauvais camp sont jugés à l’aune de la même toise. C’est tellement plus simple ainsi.
Reste l’énigme du meurtre de Robert Denoël. L’auteur y voit la conséquence d’une altercation qui aurait mal tourné entre un résistant revenu des camps et Denoël qui lui aurait demandé son appui pour le procès dont il était menacé. Hypothèse qui paraît un peu alambiquée. Une seule chose est sûre : on n’a pas fini de gloser sur cette affaire vieille de plus d’un demi-siècle.
• Maxime BENOÎT-JEANNIN, Brouillards de guerre (roman), Éditions Samsa, 2017, 500 p. (26 €)
17:23 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, céline, robert denoël, lettres, lettres françaises, littérature, littérature française, revue, france | | del.icio.us | | Digg | Facebook
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Sur l'annonce de la réédition des pamphlets de Céline
par Richard Millet
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com
Nous reproduisons ci-dessous une chronique de Richard Millet, cueillie sur son site personnel et dans laquelle il évoque la polémique autour de l'annonce par les éditions Gallimard de la publications des pamphlets de Céline dans la bibliothèque de La Pléiade...
Auteur de La confession négative (Gallimard, 2009) et de Tuer (Léo Scheer, 2015), Richard Millet a publié cet automne aux éditions Léo Scheer un roman intitulé La nouvelle Dolorès. Il devrait prochainement publier son journal, de l'année 1971 à l'année 1994.
Polémique pour une autre fois
Après plusieurs semaines d’une polémique qui a agité quelques arrondissements de Paris, M. Gallimard vient de « suspendre » la republication des pamphlets de Céline. L’argument « scientifique » de l’éditeur et la caution de Pierre Assouline ne l’ont pas emporté sur le concert d’opinions diverses, néanmoins attendues, car déjà énoncées maintes fois, et qui donnent l’impression d’un ballet sans paroles ni musique ni rien, puisque la non-republication des pamphlets par l’éditeur « historique » de Céline ne règle rien.
On peut imaginer que la « polémique » incitera ceux qui n’ont pas encore lu ces textes à acheter, via Amazon, l’édition québécoise, ou à les lire en PDF – les plus curieux se procurant d’illicites reprints. Sur la question des pamphlets, j’ai, pour ma part, toujours été de l’avis de Sollers : il faut les republier ; ils font partie de l’œuvre, tout comme les écrits politiques de Bernanos, Gide, Drieu, Montherlant, Camus, Sartre...
Pour le reste, cette « polémique » ne constitue pas, comme on l’a dit, une « affaire » Céline : celle-ci a eu lieu en 1945 ; ou bien Céline est une affaire à lui tout seul. Craindre que la réédition, dans l’austère collection des Cahiers de la NRF, à côté des articles d’avant-guerre de Blanchot et du Journal inutile de Morand, de textes qu’on trouve aisément relève donc d’un accès de vertu : je ne sache pas que la republication, il y a trois ans, des Décombres de Rebatet ait nourri l’antisémitisme en France. L’antisémitisme « culturel » est mort en 1945. Celui qui a récemment vu le jour est le fait d’une population musulmane radicalisée et/ou délinquante, qui agit au nom du cliché du « juif riche » ou encore du « sioniste » qui opprime, même à distance, le peuple palestinien, et qu’il faut donc punir. Ceux qui ont tué Ilan Halimi, plus tard Sarah Halimi, et qui ont incendié une épicerie cacher, à Créteil, la semaine dernière, n’avaient pas lu Bagatelles pour un massacre. Savent-ils même lire ? Cet antisémitisme-là est là un des non-dits majeurs du gauchisme officiel, dont l’alliance objective avec l’islam sunnite suscite un « bloquage » majeur de la vie politique, en France et en Europe.
Redouter, plus largement, que les pamphlets de Céline ne corrompent la jeunesse, c’est supposer à cette dernière une capacité à lire qu’elle n’a plus. Car Céline n’est pas un écrivain facile, et nullement à la portée de ceux qui, voyous islamistes de banlieue ou petits-bourgeois connectés, ont bénéficié l’enseignement de l’ignorance qui est, selon Michéa, le propre de l’Education nationale. Un état de fait pieusement réfuté, à l’occasion du cinquantenaire de Mai 68, par un magazine officiel qui voit, dans les 50 années qui se sont écoulées, un remarquable progrès de l’enseignement public : ne sommes-nous pas arrivé à 79% de bacheliers, c’est-à-dire un progrès de 20% ? En vérité il faut, en cette matière comme en toutes les autres, inverser le discours : il ne reste plus que 20%, environ, d’élèves à peu près capables de lire et d’écrire correctement le français, et de se représenter l’histoire de France autrement que par le filtre relativiste et mondialiste du néo-historicisme.
Pendant que les intellectuels bataillaient, je songeais à la façon dont Daniel Barenboim avait, il y a une dizaine d’années, suscité une vive polémique en dirigeant pour la première fois du Wagner en Israël. La question de l’œuvre, de la possibilité d’une œuvre, jusque dans ses excès, ses errements, ses apories, est donc légitimement posée de façon passionnée ou prudente ; mais c’est peut-être la dernière fois qu’elle se posera, en une ère qui voit disparaître peu à peu la possibilité psychologique de connaître Wagner et de lire Céline. La jeunesse contemporaine n’a plus rien à faire de Wagner, de Céline, d’Aragon, de Ravel, de Giono, de Boulez, ou de Soljenitsyne : elle ne sait rien, et ne veut qu’être connectée à elle-même, c’est-à-dire au néant.
Le problème n’est donc pas d’empêcher les jeunes gens de lire les pamphlets de Céline (et je n’userai pas de l’argument spécieux, entendu dans quelques bouches qui avancent que, comme pour Harry Potter, mieux vaudrait que les jeunes lussent ces pamphlets que rien du tout) ; le problème est, brame la presse officielle, de « désintoxiquer les ados du téléphone portable ». Question en effet primordiale, et à la désintoxication du « portable », ajoutons celle du cannabis, du gauchisme culturel, du consumérisme, de la télévision, de la mondialisation. Est-ce possible ? Par quel exorcisme ? Et pour quelles valeurs autres que les fariboles « républicaines » et onusiennes ? Oui, comment retrouver le réel ?
Richard Millet (Site officiel de Richard Millet, 13 janvier 2018)
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Propos recueillis par Benjamin Fayet
Ex: http://www.philitt.fr
David Alliot est spécialiste de Louis-Ferdinand Céline. Il est l’auteur D’un Céline l’autre (2011), publié dans la collection « Bouquins » chez Robert Laffont, et vient de publier chez Tallandier une biographie de Lucette Destouches intitulée Madame Céline. Il répond à nos questions sur la polémique suscitée par la volonté des éditions Gallimard de rééditer les pamphlets de l’auteur du Voyage au bout de la nuit.
PHILITT : Céline s’est toujours opposé à la republication des pamphlets. Être célinien, est-ce par conséquent s’opposer au projet de Gallimard ?
David Alliot : Céline s’était opposé à la réédition des pamphlets à son retour du Danemark. Il considérait que ces textes étaient des écrits de circonstance, et il ne voulait plus en entendre parler. À sa mort, sa veuve a poursuivi en ce sens en s’opposant à toute réédition, jusqu’à une date récente. Comme célinien, je suis favorable à leur réédition, mais en ce domaine c’est l’ayant-droit (donc Lucette) qui est décisionnaire. Sinon, il faudra attendre le 1er janvier 2032, lorsqu’ils tomberont dans le domaine public.
La republication des Décombres de Rebatet n’a pas suscité un scandale de cette envergure. Comment expliquer cette différence de traitement, sachant que Rebatet était un collaborationniste revendiqué, contrairement à Céline ?
Il faut être réaliste, Rebatet n’a pas la même envergure littéraire que Céline. Céline est considéré, à juste titre, comme un écrivain majeur du XXe siècle, et certains de ses romans sont étudiés en classe, notamment le Voyage au bout de la nuit. Rebatet a été plus loin que Céline dans la collaboration, certes, mais on ne joue pas dans la même division en terme de notoriété, ni dans la place qu’ils occupent dans la littérature.
L’antisémitisme de Céline est tellement délirant et extensif qu’il n’était pas pris au sérieux par les antisémites officiels, pourtant ses pamphlets sont considérés comme la quintessence de l’antisémitisme. Est-ce dû à son talent d’écrivain ?
Oui, hélas. Dans les années 1930, le pamphlet antisémite est l’apanage de docteurs ratés, d’aigris, de mauvais… avec l’arrivée de Céline dans ce « genre » particulier, il y apporte son souffle, son style et une forme de génie littéraire. C’est ça le vrai « scandale Céline ». Mettre son talent littéraire dans une cause qui ne le méritait pas.
Pensez-vous, comme certains l’avancent, que le génie littéraire de Céline est absent des pamphlets ?
Le talent littéraire de Céline est présent dans les pamphlets, mais diffère de celui des romans. Là, on est dans l’outrance et l’exagération permanente. Ceci dit, il y a de très beaux passages littéraires dans les pamphlets… Entre deux torrents de haine antisémite, on y trouve une magnifique description de Leningrad… que vient elle faire là ? Mystère !
Certains avancent que Lucette Destouches, la veuve de Céline aujourd’hui âgée de 105 ans, et dont vous venez d’écrire une biographie, a décidé cette sortie pour des raisons strictement financières. Quelles sont les raisons de sa décision selon vous ?
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Bulltetin célinien n°403
Sommaire :
Une réédition sous surveillance
Klarsfeld réclame l’interdiction des pamphlets
Un poème d’Auguste Destouches
Le docteur Clément Camus (2e partie)
Théâtre : La Ballade du soldat Bardamu.
Cette édition collective fera-t-elle problème ? Déjà le Conseil représentatif des institutions juives de France s’est dit hostile à cette initiative, considérant que cette réédition n’est rien d’autre qu’une « réhabilitation des idées nauséabondes de l’auteur de Voyage au bout de la nuit. » Francis Kalifat, président du CRIF, ajoute que son organisation restera vigilante quant à la mise en perspective historique ajoutée à cette réédition, tout autant qu’à la qualité de l’appareil critique. Quant aux célinistes, on sait qu’ils sont quasi tous favorables à cette réédition. En 1984, le BC avait notamment cité l’avis de Philippe Alméras, premier président de la Société d’Études céliniennes : « D’une part on a bien tort de donner à tout un secteur du corpus célinien l’attrait de l’interdit, d’autre part si cette pensée est aussi “bête”, “aberrante”, “incohérente” qu’on le dit, pourquoi ne pas l’étaler et la laisser se détruire toute seule ? ». Quant à Henri Godard, il estimait que « plus l’audience des textes disponibles en librairie s’accroît, plus il devient anormal que les mêmes lecteurs n’aient accès qu’en bibliothèque ou au prix du commerce spécialisé, aux écrits qu’ils trouvent cités, interprétés et jugés dans des travaux critiques » ¹. Dans un livre plus récent, il observait que l’amateur de Céline, découvrant aujourd’hui ces écrits polémiques, a inévitablement deux types de réactions : « Tantôt : je n’imaginais pas qu’il puisse y avoir de telles horreurs. Tantôt : je n’imaginais pas qu’il y avait de si beaux passages, ou si drôles ². » Tout est dit.
Le Bulletin célinien a été fondé en 1981 par Marc Laudelout (n°0). D’abord trimestriel (1982, n° 1 à 4), il devient mensuel à partir de l’année suivante. Plus de 400 numéros ont paru depuis. Il s’agit du seul périodique mensuel consacré à un écrivain.
Écrire à Marc Laudelout
139 rue Saint-Lambert
B.P. 77
1200 Bruxelles
Belgique
bulletinlfc@gmail.com
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Bulletin célinien, n°401, novembre 2017
Sommaire : Les souvenirs d’Hermann Bickler – Le docteur Clément Camus (1ère partie) – Un célinien au parcours étonnant – D’un château l’autre
Tous ces faits, et bien d’autres, sont rappelés dans une passionnante biographie de Berl qui est loin d’être complaisante.
• Olivier PHILIPPONNAT et Patrick LIENHARDT, Emmanuel Berl. Cavalier seul (préface de Jean d’Ormesson), La Librairie Vuibert, 2017, 497 p. (27 €)
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« Céline. Parler de lui ? Tout a été dit ou presque sur l’écrivain. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il est là. Incontestable, même lorsqu’il est contesté. Parler pour lui ? Fendre le masque marmoréen du monument, tenter de regarder l’homme derrière, de capter un filet de voix mourante ? Non, il ne s’agit ni de parler pour lui ou comme lui, mais de parler avec lui. Foin du marbre, de la grande statue dont l’ombre elle-même est si immense qu’elle écrase tout. Chair à chair, pour une fois. Se glisser dans les interstices, chercher à les remplir comme le ferait un ami venu le visiter en toute humilité, l’ami fût-il anonyme. Rester au chevet du malade, auquel le temps paraît bien court – et une éternité, pourtant. Nauséabond, soit . Jusqu’à l’os, parfois. Propre sur lui, rarement. Probe, à sa façon, certainement, vulnérable toujours : Céline tel qu’en lui-même, tel que je le vois, dans sa nuit, la dernière. »
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di Stenio Solinas
Fonte: Il Giornale
La biografia firmata da De Roux è una meditazione sulla morte e sullo stile: "Aveva rischiato per tutti quelli che non rischiano niente, lecchini e giustizieri"
Dopo l'uscita di La mort de L.F. Céline , Abel Gance, un nome che da solo incarna il cinema, definì il libro «una delle più grandi pagine della nostra letteratura» e il suo autore, Dominique de Roux, uno di «quegli illuminados » sopravvissuti alla modernità.
«Quando si scava volontariamente il fossato che vi separa dagli altri - si finisce per scavare la propria tomba - ma i geni la superano e se la lasciano alle spalle. Si accorgono allora di non poter tornare indietro perché, come dice Nietzsche, “il precipizio più piccolo è il più difficile da riempire”. La tragedia dei grandi uomini comincia allora, morti o vivi, quando hanno superato la loro tomba».
A quel tempo de Roux aveva appena compiuto i trent'anni, Gance stava per toccare gli ottanta, ma a essere «più vecchio di se stesso» il primo era abituato: gli era successo con Ezra Pound, con Gombrowicz, con Borges, numi tutelari e solitari che si era messo sulle spalle e aveva riportato al centro della scena. A vent'anni aveva già fondato una rivista e scritto il suo primo romanzo, a venticinque una casa editrice da dieci titoli l'anno. La sua era un'esistenza compressa e insieme dilatata, una bulimia di esperienze propria di chi viveva con la morte in tasca: un «soffio al cuore» ereditario senza scampo, a meno di non ritirarsi ai margini, «pensionarsi» nell'illusione così di risparmiarsi. Morì che non ne aveva ancora quarantadue, lasciandosi alle spalle un pugno di libri editi e qualcuno inedito; una serie di reportage sulla guerriglia nell'Africa allora portoghese; un ruolo di consigliere politico di Jonas Savimbi, il capo dell'Unita, il movimento di liberazione antimarxista dell'Angola; un numero incredibile di polemiche giornalistiche e letterarie, prese di posizione, rotture, censure, accuse, maldicenze. «È inutile sforzarsi a invecchiare, ogni riuscita è impossibile, minati come siamo dalle nostre necessità di rottura».
È anche alla luce di questa esistenza di corsa e da corsaro delle idee che quel libro su Céline acquista un valore particolare e ora che per la prima volta è qui da noi tradotto ( La morte di Céline , Lantana editore, pagg. 135, euro 16, traduzione di Valeria Ferretti, a cura di Andrea Lombardi), il lettore italiano capisce di avere di fronte non tanto una biografia o il profilo di uno scrittore, ma una meditazione sulla morte e sullo stile, sul valore e il senso della letteratura, sul ruolo stesso di chi la fa. «L'opera di Céline resta uno degli enigmi esemplari del nostro tempo. È la scrittura a condannare Céline; è anche colei che lo salva». Come nota nella sua introduzione Marc Laudelout, editore del Bulletin célinien , la più incredibile e informata rivista sull'autore del Voyage , «mai in così poche parole il destino tragico di Céline sarà così ben definito».
Proprio perché non è una biografia in senso classico, e proprio perché scritto negli anni in cui il vero e il falso su Céline erano ancora strettamente mischiati, il libro di de Roux conserva qualche cliché céliniano (la trapanazione del cranio mai avvenuta, la copertina dell' Illustré National mai esistita, il lungo viaggio attraverso la Germania in fiamme che in realtà fu breve...) di cui il tempo ha fatto giustizia. Anche la natura dell'antisemitismo di Céline gli sfugge, ponendosi egli sulla scia di quell'interpretazione-metafora di André Gide che ormai non regge più. Non gli sfugge però già allora la natura del suo razzismo, nata sull'ossessione per la decomposizione del mondo moderno, basata sul culto della salute e della bellezza come possibile rinascita.
Di là da ciò, La morte di Céline è, come già accennato, una meditazione sulla scrittura. «La parola letteraria non ha più senso. Scrivere, e ancor più scrivere in francese, sembra essere la proiezione di una certa decadenza, di un totale fallimento di se stessi». Si avanza insomma su «termitai di parole decadute», intorpiditi nell' art and business , dove i critici si auto-proclamano creatori e gli scrittori pensano alla carriera, mai all'opera. «Pubblicano e pubblicano, sono delle pulci, ma non se ne rendono conto. Dandies paurosi come conigli, “vecchi parrucconi” della mia generazione». È l'epoca della colonizzazione dei premi letterari e dell'imperialismo degli editori: «Il prestigio si riduce al vuoto, un folclore di cretini si sostituisce alla crudeltà della poesia; la chitarra la venale vanagloria del disco, e tutte quell'esperienze ridicole, così l'Europa dell'anno I dell'era atomica».
La morte, spirituale prima che fisica di Céline, vuol dire proprio questo, il venir meno di un destino. «Céline attribuiva al poeta il potere di cambiare il mondo! Scrivere pamphlet inauditi fu il suo destino, perché voleva che la sua protesta fosse udita. Passare il limite equivaleva a screditarsi. Abbandonava la vita per la letteratura, pratica opposta a quella di Rimbaud». Isolato nel suo miraggio dell'uomo leggendario, Céline aveva capito che «le masse de-spiritualizzate, spoetizzate sono maledette».
Il fatto è che per de Roux «la carriera dell'uomo di letteratura non richiede né audacia né capacità. Si basa su così tanti stratagemmi infimi, che il primo venuto può arrampicarsi facilmente e ingannare il pubblico, con la complicità della moda del momento». Niente a che vedere, insomma, con uno che «aveva rischiato per tutti i letterati che non rischiano niente, lecchini e giustizieri. Aveva voluto essere il messaggero della totalità. Ma all'ultimo atto della tragedia, la catastrofe si esprime da sé in sentenza di morte. Si voleva che niente restasse di Céline».
Così, il pamphlet che gli dedica è una sorta di chiamata alle armi: «In Francia siamo in territorio nemico. Noi saremo sempre in territorio nemico. Gli scrittori che non vogliono sottomettersi alle parole d'ordine, alla macchina delle critiche ufficiali, che lotteranno contro le leggi e la vile dittatura delle mode, che dimostreranno con la loro opera vivente, con la provocazione delle loro vite - contro i traditori incoscienti e i falsi testimoni di professione, contro le razze degli spiriti prostrati - costoro raggiungeranno le sparse membra di Céline in questo deserto dei Tartari dove egli monta la guardia contro chi non giungerà mai». Da allora è passato mezzo secolo e purtroppo non è cambiato niente.
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Louis Ferdinand Céline sur Radio Courtoisie
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